L’impact du Brexit sur le monde de l’art

Depuis le référendum en Grande-Bretagne du 23 juin 2016 et son vote ultérieur en faveur de la sortie de l'Union européenne, les institutions et les galeries d'art britanniques et des États membres de l'UE opèrent dans un climat de confusion. À l’heure d’aujourd’hui, entre la première date du « divorce » décidée le 29 mars, et nouvelle proposée, le 31 octobre, il n’existe toujours pas d’accord de retrait qui puisse dicter de manière réaliste la relation future entre les deux parties. Ici, chez Convelio, nous évaluons l’impact du Brexit sur le monde de l’art et préparons des plans d’urgence logistiques pour un « no-deal scenario ».

Introduction

De par sa nature, l’art est mobile, durable et transportable. De plus, son marché est intrinsèquement international et repose en grande partie sur la liberté de circulation des biens et des personnes. De plus, il possède des atouts qui profiteront aux économies et aux sociétés des pays concernés par son activité. D’ailleurs, la Grande-Bretagne a toujours entretenu le pouvoir culturel, économique et social de son écosystème artistique.

Le marché de l'art

Le rapport sur le marché de l'art publié en 2019 par UBS et ArtBasel indique que le Royaume-Uni a conservé sa position de deuxième marché avec 21% des ventes mondiales en valeur. Malgré les incertitudes du Brexit, il reste un gros poisson dans le petit étang du marché de l'art international. Il suffit de penser à tous les musées, galeries, salons d'art, artistes, expositions et maisons de ventes de renommée mondiale qui y sont installés ; la Grande-Bretagne occupe 66% du marché de l’art européen (EU).

1- Le cadre réglementaire

Les experts affirment que dans le monde de l’art, le succès des marchés britannique et américain repose dans leur faible modèle de réglementation, de liberté de concurrence et de droits de propriété robustes. Les vendeurs et les acheteurs ont tendance à s’orienter vers ces pôles stratégiques, utilisant l’arbitrage réglementaire pour obtenir les meilleures conditions de vente sur le marché mondial. Bien que les ramifications des termes des futurs échanges entre la Grande-Bretagne et l'UE27 soient encore inconnues, le Brexit pourrait donner à la Grande-Bretagne un élan pour une révision réglementaire et des changements susceptibles de renforcer son avantage concurrentiel.

La Grande-Bretagne voudra peut-être utiliser son nouveau statut pour modifier des éléments de son cadre législatif précédemment dictés par l’UE. Par exemple, la propriété intellectuelle, les droits d’auteur, la réglementation des biens culturels, les droits de succession des artistes ou encore les licences d’importation. Un exemple en est le système de TVA britannique qui, après le Brexit, ne sera plus lié aux directives européennes relatives au marché de l'art. Bien que le Royaume-Uni ait actuellement le taux de TVA le plus bas autorisé par les règles de l'UE - i.e 5% - il est loin d’être favorable par rapport à ses concurrents mondiaux: les États-Unis (0%) et la Chine (3%).

La perspective que le Royaume-Uni modifie ou supprime les directives européennes relatives au marché de l'art a ravi plus d’un! Dirk Boll, par exemple, le président de Christie's pour l'Europe, le Moyen-Orient, la Russie et l'Inde a communiqué plusieurs fois que Christie's n'avait pas l'intention de changer ses opérations en Europe. ; « Londres reste le meilleur marché, et ne pas avoir de taxe à l'importation aiderait certainement » a-t-il déclaré. La même idée a alarmé les marchands d’art sur le continent ; dans une lettre ouverte rédigée par des membres de la fédération professionnelle du Conseil national du marché de l'Art (CNMA), parmi lesquels des négociants, des commissaires-priseurs et des spécialistes ont appelé le gouvernement français à mettre en œuvre des changements susceptibles de contribuer à contrer la menace concurrentielle posée par une dérégulation marché de l'art Britannique.

Cependant, les opportunités offertes par le Brexit ne sont pas si évidentes. Certains considèrent l'élément isolationniste du Brexit et choisissent d'ouvrir des galeries sur le continent qui conserveront une identité européenne forte. Lorsque David Zwirner, d'origine allemande, a annoncé l'ouverture de son espace parisien au Financial Times, il l'a souligné avec force: « Le Brexit change la donne. Après octobre, ma galerie de Londres sera une galerie britannique et non européenne. Je suis européen et je voudrais aussi une galerie européenne ». Avec un taux d'importation français fixé à 5,5%, il est probable que la France deviendra bientôt le point d'entrée mondial sur le marché de l'art européen, poussant ainsi d'autres galeristes et marchands à suivre l'exemple de Zwirner.

2- Une question de logistique

Bien que les différents membres du monde de l'art aient adopté diverses stratégies concernant le Brexit, il y a une chose sur laquelle tout le monde peut s'accorder: l’anticipation. Il est essentiel que le monde de l'art soit préparé à tous les scénarios, y compris celui d'un Brexit sans accord. En ce qui concerne les procédés logistiques, la principale préoccupation est évidemment la perte du statut de commerce intracommunautaire de la Grande-Bretagne. Après le Brexit, la Grande-Bretagne ne sera plus en mesure de bénéficier de la libre circulation des marchandises ( et des personnes ) entre les États membres de l'UE, ce qui permettait auparavant aux marchands d'éviter les procédures de dédouanement ainsi que les droits et taxes à l'importation applicables aux œuvres d'art transfrontalières.

Les implications douanières dépendront des détails de l'accord et de la souplesse des frontières. En cas de Brexit sans compromis, toutes les expéditions à destination et en provenance de l'UE devront faire l'objet d'un dédouanement de la part de deux autorités différentes, ce qui entraînera inévitablement de l’intendance supplémentaire causant des coûts plus élevés et des retards. En ce qui concerne les exportations du Royaume-Uni, les licences ne seront probablement pas affectées par un « No-deal Brexit ». Il est probable que le système actuel d'exportation de biens culturels vers un pays tiers sera simplement étendu aux États membres de l'UE et que le Arts Council England continuera d'administrer ce système de licences. En revanche, , en l’absence d’accord sur les licences d’importations de l’UE vers le Royaume-Uni, on ne peut savoir si les marchands devront se conformer aux régimes Européen ou à ceux de l’UE propres à chacun.

La charge administrative liée à l’ajout de contrôles aux frontières et de formalités douanières réduira l’accès aux détroits des ports de Dover et de Folkestone jusqu’à au moins six mois. De nombreux acteurs du monde de l'art ont déjà commencé à anticiper les retards. Par exemple, la marchande londonienne Kate MacGarry a choisi d’importer des pièces qui seront exposées à la Frieze London en octobre, plusieurs mois à l’avance. De même, alors que la date limite était fixée au 29 mars, Tornabuoni Arte a fermé l'une de ses expositions deux semaines avant le calendrier prévu afin d'éviter une lourde facture de réimportation - les 40 œuvres de l'exposition présentaient une valeur de 70 millions d'euros. Le Taux d'importation de 10%, leur aurait coûté 7 millions d'euros d’imposition!

De manière connexe, il y a la question des règles d'exportations temporaires. Actuellement, dans la législation de l'UE, les œuvres importées temporairement pour des événements, tels que la Frieze ou Masterpiece, sont exonérées de droits d'importation et de TVA. Puisqu'ils circulent librement au sein de l'union douanière, les exposants de l'Union européenne n'ont rien à payer pour importer temporairement des œuvres au Royaume-Uni, et inversement pour les exposants britanniques. Selon la Museums Association (MA), lorsque le Royaume-Uni sera exclu de cette zone dû au Brexit, ces implications économiques pourraient malheureusement amener certains musées à diminuer leurs échanges avec d'autres musées ( il reste à savoir si l'initiative de port franc sera mis en œuvre après le Brexit ). De même, la vente et le transport d'articles liés à la CITES diminueront probablement du fait qu'ils ne seront plus autorisés à passer par le port de Dover ou sous le tunnel européen et qu'ils ne voyageront que dans des ports désignés avec un permis spécial.

Conclusion - Plan d'urgence

À l'approche de la date butoire, il est essentiel d’élaborer des plans d'urgence et d’accélérer les préparatifs. Cela ne devrait pas poser de problème, car il est dans la nature de l’Art de réagir aux problèmes socio-politiques de son époque. Cela ne posera pas non plus de problème à Convelio: avec des bureaux situés de part et d’autre de la Manche, à Londres et à Paris, nous serons parfaitement en mesure d’aider les galeries disposant de points de vente aux quatre coins du monde. Nous serons là pour gérer et mettre à jour toute la documentation administrative relative à l'exportation. Enfin, grâce à nos nombreuses options de collectes partout en Europe, nous pourrons également améliorer les temps de transport et éviter la route saturée Douvres-Calais. Notre mission consistant à servir les marchands, les artistes, les collectionneurs, les designers et les galeries du monde entier, nous adaptons constamment notre solution logistique, Brexit ou pas !

August 18, 2019