[Convelio x Dominique Fiat] Episode 3 - Portrait de Dominique Fiat

[Convelio x Dominique Fiat] Episode 3 - Portrait de Dominique Fiat

Pourriez-vous me parlez de vous, de votre parcours et comment en êtes-vous arrivé à créer une galerie qui figure parmi les noms majeurs du marché de l’art ?

Atypique, c’est ainsi que je qualifierais mon parcours… c’est drôle car c’est le terme que mes artistes emploient pour décrire la galerie. Étudiante en histoire et histoire de l’art, c’est en travaillant comme mannequin pour des maisons de haute couture que j’ai développé ma connaissance en art contemporain. Mon métier m’a amenée à visiter les musées des grandes capitales aux quatre coins du monde. De la découverte de la porcelaine chinoise à Taiwan en passant par les estampes japonaises à Tokyo ou encore les productions monumentales du Land Art aux USA… Inspirée, je me suis lancée sans attendre dès avoir mis un terme à ma carrière de mannequin, je me suis associée à un jeune proche du milieu de l’art et j’ai ouvert un espace dédié à l’art contemporain.

Dominique Fiat

Pourriez-vous me citer les axes de réflexions sur lesquels vous travaillez ?

Fascinée par la création artistique des années 60 et 70 - arts plastiques, cinéma, musique…- et plus généralement par l’état d’esprit de cette époque - mutation de la société, libération des mœurs, anti-autoritarisme …- j’ai beaucoup travaillé avec des artistes proches ou issus du mouvement Fluxus comme Erik Dietman. Par exemple Tania Mouraud dont la production est fondée sur les sciences humaines, notamment son travail sur les mots et leur typographie ou Noël Dolla qui fait tomber les certitudes du projet pictural dans l'histoire de l'art.

Doug wheeler

Ayant vécu à L.A, j’ai été très sensibilisée au mouvement Light & Space, mouvement dont l’environnement californien (la lumière naturelle, les espaces à perte de vue mais aussi les déchets toxiques industriels) est au cœur des créations d’artistes tels que Laddie John Dill, Peter Alexander, Fred Eversley ou encore Helen Pashgian. Que ce soit en captant de la lumière naturelle ou en intégrant des néons dans des architectures parfois monumentales, ces artistes jouent avec la transparence des matériaux ou leur pouvoir réfléchissant pour transformer l’espace.

Camille henrot 3

Depuis une quinzaine d’années, j’ai aussi beaucoup travaillé sur la vidéo. L’image, fixe ou en mouvement est clé dans l’art contemporain. J’ai découvert et supporté beaucoup de jeunes artistes très peu connus à l’époque qui expérimentent ce médium. Camille Henrot par exemple qui sortait à peine des arts déco quand j’ai exposé ses figures métaphoriques animées avec des associations d’images, de dessins, de bouts de films et de musique. La vidéo a très vite intéressé un public d’intellectuels, amateurs d'images et de photographies. J’ai exposé également le travail de femmes artistes telles que Hannah Collins ou encore Natasha Nisicexplorant les relations entre le visible, l’invisible, les mots, les interprétations, la mémoire, les rituels en travaillant avec du Super 8, du 16MM, du dessin et de la photo.

J’ai vu que vous exposiez beaucoup d’art africain, pourriez-vous m’en dire davantage ?

En fait...c’est la Chine qui m’a amenée à l’Afrique ! Au cours d’un voyage de prospection en Chine, en plein boom de l’engouement des collectionneurs (et surtout des investisseurs) pour l’art contemporain chinois, je réalise l’influence de l’attrait commercial sur la création artistique. Il m’a semblé que toute la production était faite sur mesure pour le business avec les occidentaux. Écœurée par l’ultra capitalisme et le manque d’authenticité des artistes, je rentre à Paris sans rien, je raconte mon expérience à un ami collectionneur qui, tout de suite, m’invite à l’accompagner en Afrique. En effet, c’est un continent où la démarche artistique est réellement authentique et chargée d’une histoire vécue et bien souvent douloureuse. D’une façon générale, j’ai tendance à fuir ce qui est à la mode. J’aime les artistes engagés, ma programmation a toujours été tournée vers l’engagement.

De toute évidence vous aimez le cinéma et la littérature, une suggestion pour cet été ?

Je viens de terminer le livre d’un de mes amis qui parle d’une femme engagée pour l’art - encore - au destin exceptionnel : L’amie Américaine de Serge Toubiana. Le livre raconte l’histoire d’Helen Scott une femme drôle et brillante qui a entretenu une amitié très forte avec François Truffaut pendant 25 ans. Grâce à sa position au French Film Office à NYC, elle a fait rayonner toute la génération de la Nouvelle Vague sur les écrans américains – Godard, Resnais et d'autres. C’est aussi elle qui facilita la fameuse rencontre entre Truffaut et Hitchcock et servit d’interprète à ces 2 immenses cinéastes pendant leurs entretiens, à Hollywood. Lecture à compléter avec les films de Resnais !

May 27, 2020